Ferme de Pierre et Paul Caplette
« On est des essayeux ! »
Hélène Goulet
Pierre et Paul Caplette l’avouent volontiers : ils sont des « essayeux ». La ferme
familiale qu’ils exploitent dans le rang Bellevue à Saint-Robert a en effet évolué au
fil des ans, témoignant
aujourd’hui des multiples expériences agricoles que les deux frères ont tentées.
Lorsque leur père a acheté la ferme en 1960, c’était pour faire de la production
laitière. Malheureusement, M. Caplette père est mort trop jeune en 1976, et c’est sa
femme, Pierrette, qui a pris la relève. Pierre et Paul étaient alors jeunes adolescents.
« Quand mon père est décédé, ma mère a pris la gestion de la ferme
toute seule, » se rappelle Paul Caplette. « Le troupeau de
vaches avait été vendu quand mon père était malade, et ma mère s’est lancée dans la
grande culture, ce qu’elle a fait de 1976 à 1980 ».
« À cette époque, on était des « ti-gars » et on aimait monter sur
le tracteur. C’était facile d’aimer l’agriculture », relate Paul Caplette.
« On s’est jamais posé la question à savoir allons-nous vivre de
l’agriculture, mon frère et moi. La question n’était pas celle-là, mais bien « comment
en vivre ». On s’est organisé en conséquence ».
Les garçons ont vieilli, et Pierre a suivi un cours en mécanique et construction à la
polyvalente, métier fort utile lorsqu’on exploite une ferme, alors que Paul, pour sa
part, a décidé de suivre un cours à l’Institut de technologie agricole de
Saint-Hyacinthe.
C’est en 1980, au début des études de Paul, qu’on commence à cultiver des « petites
céréales », blé et orge, en rotation. À sa sortie de l’école, en 1982, Paul avait un
projet : faire de la culture de cornichons à gros volume. La ferme en produisait déjà,
mais en plus petite quantité. La production est passée de 95 à 400 tonnes par année, et
ce, jusqu’en 1994. « Nous nous sommes spécialisés dans les
cornichons. Nous avons aussi cultivé des asperges et des tomates à jus. Mon frère et
moi, nous nous sommes formés avec ça. Ça nous a appris à être précis, méthodiques, et
c’est là que nous avons commencé à faire des expérience ».
« En 1994, nous avons lâché les cornichons, car on voyait que ça
déclinait. Nous avons effectué un virage majeur en faisant de la grande culture de
l’orge, du maïs, du blé. Nous avons aussi cultivé du soya. »
Les deux frères ont expérimenté diverses méthodes de travail, don une méthode pratique
culturale de travail réduit, avec l’aide d’un appareil nommé « Chisel », qui brasse le
sol sans retourner la terre et qui conserve les résidus en surface. «
Avec 30 % de résidus, on coupe l’érosion de 80 % », fait-il remarquer.
Les deux producteurs ont aussi commencé à réduire l’utilisation des herbicides et des
engrais chimiques.
« Nous avons aussi appris de notre mère à noter tout ce qu’on
faisait », précise M. Caplette. « Ce plan de champ nous
permet une meilleure planification. Si on fait un essai, il faut l’écrire, sinon on
oublie. Au départ, c’était un petit plan, mais aujourd’hui, c’est une vraie brique ! »
Compilé sur ordinateur, ce plan permet la traçabilité des interventions, que ce soit
l’analyse des sols, la quantité de phosphore ou d’azote. « Nous
faisons des simulations et des essais sur des parcelles de champ. Nous avons un suivi du
contrôle des herbicides. Nous testons les hybrides. Les meilleurs hybrides sont ceux qui
correspondent à notre mode de production. »
Paul Caplette fait le constat que la mort de son père a pavé la route que les deux
frères ont empruntée. « La mort de notre père a fait en sorte que
nous devions trouver nous-mêmes des solutions. Nous avons fait ce que nous avons voulu
et ça nous a ouvert les œillères. Il nous a fallu trouver d’autres mentors. Peut-être
que si mon père avait vécu plus longtemps, nous n’aurions pas pu prendre les mêmes
décisions et opérer les changements que nous avons faits », pense M. Caplette.
Aujourd’hui, en plus de la grande culture, la ferme compte une petite porcherie de 400
porcs, et produit un millier de porc annuellement. Ces porcs sont nourris avec du grain
« santé », sans intrant et sans gras animal. « Nous avons commencé
tranquillement, et nous vendons nos porcs par quartier. Il y a un bon potentiel local ».
Leur mère, Pierrette, continue à s’occuper de l’administration de la ferme quatre
après-midi par semaine.
Les frères Caplette cultivent également du lin, pour les graines qui constituent un
aliment pour les porcs. Au début, ils espéraient vendre leur production pour
l’alimentation naturelle, mais il faillait une uniformité dans la grosseur du grain, ce
qui nécessite beaucoup plus de travail et de contrôle.
IM@C
Être « essayeux », c’est aussi s’informer. Pierre et Paul Caplette suivent régulièrement
des ateliers de formation et aiment tisser des liens avec d’autres producteurs d’ici et
d’ailleurs. « Nous sommes toujours à l’affût de nouvelles idées.
Il n’y a pas de recette magique en agriculture », laisse entendre Paul Caplette.
En 1996, avec d’autres producteurs, Paul crée et devient le président de IM@C (Internet
- marketing agricole – céréales), un club de support technique de marketing des grains
qui regroupe aujourd’hui une cinquantaine de membres. « Nous avons
une philosophie d’entraide entre les membres. IM@C nous permet de suivre les marchés.
Tout est fait sur Internet. On analyse le marché, on échange de l’information, on
organise des dîners conférences. Échanger, se rencontrer et se parler sont un réel
besoin entre les membres. »
« Nous étudions les comportements du marché, poursuit-il. Cette
expérience nous a appris à calculer le coût et la valeur de notre maïs, grâce à
plusieurs points de repère. Ça nous permet d’avoir une base de négociation avec nos
clients, ce qui n’était pas le cas auparavant. Aujourd’hui, je peux connaître ma valeur
», explique Paul Caplette.
Aimer la terre
Mais malgré toutes les nouvelles technologies et l’amélioration de la machinerie
agricole, Paul Caplette constate que ce qu’il aime d’abord et avant tout, c’est la
terre. « Nous avons réalisé, mon frère et moi, qu’on aime ça, être
dans le champ. Je ne voudrais pas laisser le travail à des employés pour me retrouver
derrière un bureau. Moi, je suis collé sur le soleil. J’aime sortir dehors aux petites
heures du matin quand les grenouilles chantent. Nous sommes très fiers de nos terres. On
a du fun », conclut-il.