Fromagerie Polyethnique de Saint-Robert
Jean-Pierre Salvas, un homme de projets !
Hélène Goulet
22 septembre 2009 - Jean-Pierre Salvas, co-propriétaire de la
Fromagerie Polyethnique de Saint-Robert avec les frères Marc, Alain
et Yves Latraverse, est un homme d’idées et de projets.
Une visite dans les locaux de la fromagerie est à cet égard
significative : en arrivant près du bureau de M. Salvas, on trouve
un tableau au mur, avec une liste de projets en cours ou à venir :
breuvage probiotique, feta, brebis, etc. Ce tableau, placé à la vue
de tout le monde, semble interpeller les membres du personnel pour
leur rappeler l’importance de leur mission.
L’aventure débute en 1992, avec le rêve de partir une fromagerie.
Une rencontre entre des commerçants libanais de Montréal et un
groupe de producteurs de la région va préciser la mission de
l’entreprise, qui s’incorpore en 1993 et qui voit alors
officiellement le jour à l’intersection du chemin Saint-Robert et de
la montée Sainte-Victoire. L’usine devient opérationnelle en janvier
1995, lors de la première livraison de lait. La première vente suit
en juillet 1995.
La mission, qui a évolué, était la suivante : fabriquer des produits
répondant au besoin des communautés arabes de Montréal, qui ne
pouvaient pas se procurer du fromage de leurs pays d’origine
Ce fromage traditionnel est habituellement fabriqué à la maison, de
façon artisanale, par les femmes arabes. M. Salvas et ses collègues
ont pu
bénéficier des conseils de l’une d’entre elles, qui a préparé sur le
poêle ce fromage caractérisé par une pâte plutôt ferme et salée,
auquel on ajoute, pour certains, un parfum (thym, menthe, piment de
Cayenne, etc.).
« Par la suite, nous avons pris la recette et
sommes allés à l’Institut de technologie agricole (ITA) pour
industrialiser le procédé. Ils font un chaudron et nous, on voulait
en faire un camion !!! » relate M. Salvas en riant.
Le plus dur n’a donc pas été de trouver la « recette » mais bien de
la répéter avec rigueur, de façon à obtenir le même produit, tout le
temps, tout en tenant compte de l’hygiène et la salubrité devant
être observée en milieu industriel.
Et comme il ne s’agit pas d’un produit conventionnel, les
inspecteurs sont plus tatillons, note M. Salvas.
« Parfois, on passe plus de temps à laver
qu’autre chose ! » Les fromages sont fabriqués avec du lait
pasteurisé, mais c’est la méthode de fabrication et les instruments
utilisés qui diffèrent des équipements traditionnels, précise M.
Salvas.
Les fromages sont fabriqués selon les normes en matière de salubrité
alimentaire. HACCP, ou Hazard Analysis by Critical Control Points
(l'analyse des dangers par les points de contrôle critique) est un
système d'auto-gestion en matière de salubrité et de sécurité
alimentaire reconnu internationalement. La Fromagerie est en
processus d'accréditation HACCP auprès de l'Agence Canadienne
d'Inspection des Aliments (ACIA).
Vers 2000-2001, l’entreprise était en contrôle des recettes et
capable de répéter la fabrication des produits de façon homogène.
« Nous avons dû inventer des machines qui
n’existaient pas sur le marché. Nous avons un département de
recherche et développement, nécessaire pour la bonne marche de nos
affaires, » a fait savoir M. Salvas.
Et depuis 2002, la production s’est multipliée par cinq, ce qui
équivaut à une croissance de 20 % par année. C’est énorme ! concède
M. Salvas
Pour la distribution, la Fromagerie Polyethnique s’est associée à
trois partenaires montréalais (Groupe Phoenicia) pour qui possèdent
entre autres quatre épiceries, deux gros centres de distributions
ainsi que des boulangeries et des restaurants.
« On travaille avec eux depuis le début. Nous sommes bien maillés et
ce sont des partenaires fidèles », soutient M. Salvas.
La Fromagerie Polyethnique emploie une trentaine de personnes. En
plus de la production, on y retrouve un laboratoire de contrôle de
la qualité et d'assurance qualité ainsi qu'un département de
recherche et développement. « L’atmosphère est
très familiale, et on essaie de s’adapter à certains besoins de nos
employés », assure M. Salvas.
« Le plus beau compliment que j’ai reçu fut
celui d’un client qui m’a dit que notre fromage était meilleur que
celui fabriqué par sa propre mère ! ». Pour Jean-Pierre
Salvas, c’était « mission accomplie »
Projet d’élevage de brebis – des fonctionnaires fédéraux
tatillons
Au-delà de ses activités habituelle, M. Salvas est, depuis deux ans,
animé par un grand projet d’élevages de brebis. Un projet qui,
malheureusement, tarde à se concrétiser.
« Ce projet, c’est le summum, c’est un must
pour que nous puissions développer de nouveaux fromages »,
soutient M. Salvas.
Surtout qu’au Québec, les consommateurs sont habitués aux mélanges
laitiers pour la production du fromage, qu’ils soient fait de lait
mi-vache, mi-chèvre ou vache-brebis.
Actuellement au Canada, il n’y a que 28 artisans possédant de petits
troupeaux de brebis pour la fabrication du fromage. Il n’y a plus
d’importation de bêtes depuis une trentaine d’années.
« Pour réaliser notre projet, nous aurions
cependant besoin d’importer 5 000 brebi, ce qui permettrait
d’implanter une dizaine de fermes de 500 brebis en Montérégie, pour
des raisons de proximité. De plus, nous avons répertorié en
Montérégie 14 fermes inexploitées qui pourraient être utilisées dans
le cadre de ce projet d’envergure. C’est véritablement un projet
emballant ! » s’enthousiasme-t-il.
De plus, souligne-t-il, de nombreux fromagers québécois seraient
intéressés à se procurer des brebis. « Maurice
Dufour, producteur du fameux fromage le Migneron, dans Charlevoix,
est prêt à nous acheter 1000 brebis dès que mon projet sera approuvé
et mis en marche », fait-il remarquer.
Les brebis seraient importées d’une importante entreprise française
(Toulouse) qui fait de la génétique et qui produit quelque 860 000
brebis. « Tout est prêt et cette compagnie
n’attend que le ok pour livrer les bêtes, » ajoute-t-il.
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Jean-Pierre Salvas et
Jean-Pierre Blackburn, en 2008, lors d'une annonce d'un
octroi de 252 000 $ de Développement économique Canada |
Mais voilà, les fonctionnaires fédéraux bloquent,
jusqu’à présent, la réalisation de ce projet, parce que le Canada
n’importe plus de brebis.
Selon M. Salvas, tout le monde – distributeurs, transformateurs, la
Chambre de développement agricole – est prêt à mettre de l’énergie
et du financement dans ce projet. Mais il semble que ça va prendre
plus d’énergie à obtenir le permis fédéral que de vendre nos
produits !
Le problème relève donc maintenant du domaine politique, résume M.
Salvas. La frilosité des fonctionnaires est entre autres
attribuables à différentes maladies qui ont défrayé la manchette
(tremblante du mouton).
Selon M. Salvas, la compagnie française agit et sélectionne avec
soin les bêtes, grâce à la génétique, ce qui améliore la race et
écarte tout danger potentiel.
Mais Jean-Pierre Salvas ne désespère pas. Il en a rencontré, des
fonctionnaires, des avocats et des politiciens et compte en
rencontrer d’autres jusqu’à ce qu’il finisse par recevoir la
précieuse autorisation. « Ça prend énormément
de contacts pour finir par trouver le lien qui fera débloquer le
dossier », croit-il. « Il faut que ça aboutisse, c’est un peu
frustrant… surtout pour les jeunes qui attendent de partir leur
élevage ».
On rêve déjà de la production d’un fromage feta double crème fait à
partir de lait de brebis… Croisons les doigts !
Nouveaux produits en développement
Parallèlement à ce projet ambitieux qui tarde à se concrétiser, la
Fromagerie Polyethnique continue de développer de nouveaux produits,
notamment le « Pro Via » (
www.provia.ca )
un breuvage probiotique (de type yogourt liquide) développé en
collaboration avec l’université Laval de Québec et principalement
distribué dans des hôpitaux, pharmacies, CLSC et garderies de la
région de Québec. M. Salvas vise également la Colombie-Britannique
et la Californie, où ce genre de produit, qui permet de renforcer le
système immunitaire, est très populaire.
Somme toute, Jean-Pierre Salvas dit adorer son travail.
« Je suis un agriculteur dans l’âme », avoue
celui qui est également propriétaire de la ferme laitière Franjemar
de Saint-Robert. « C’est un métier noble, qui nourrit les gens…. Je
mène une maudite belle vie, car je me considère comme un marchand de
bonheur ! »
Signalons en terminant que Jean-Pierre Salvas sera l’un des
conférenciers invités de la Troisième conférence internationale en
écologie industrielle, un événement prestigieux qui se déroulera les
14 et 15 octobre prochain au Cégep de Sorel-Tracy (www.cttei.qc.ca
). M. Salvas présentera les démarches d’écologie industrielle qu’il
a appliquées à son entreprise.
Pour plus d’information sur la Fromagerie Polyethnique :
www.lebedouin.com
Vente des produits directement de l’entreprise :
235, chemin St-Robert (intersection Montée Ste-Victoire)
Saint-Robert
(450) 782-2111
Ouvert de 8 h à 16 h du lundi au jeudi
De 8 h à 13 h le vendredi |