En milieu agricole, la vision en 3D… C’est rien de nouveau!

(Par Yves Allard)

Il faut que je vous dise, les derniers mois furent pour moi révélateurs à bien des niveaux.

Alors que je devais habituellement me contenter de simplement recueillir certaines informations sur leur entreprise, chacune de mes rencontres avec les agriculteurs d’ici s’est transformée en expérience enrichissante. C’est fou à quel point ces gens-là ont des choses à m’apprendre non seulement sur ce qu’ils font, mais également sur la façon de voir la vie… Leur expérience est directement rattachée à ce qui est « vrai » et les leçons qu’ils en ont tiré pourraient, dans plusieurs des cas, s’appliquer à bien des questionnements typiquement urbains…

Un des éléments frappant suite à certaines de ces rencontres : la vision des jeunes qui font partie de la relève.

Contrairement à la grande majorité des jeunes en milieu urbain, les jeunes issus du milieu agricole ont pour la plupart une vision à long terme de ce qu’ils veulent faire dans la vie. En fait, non seulement ils veulent « faire », mais ils veulent aussi, et surtout, « bâtir ». Ils posent aujourd’hui des gestes en tenant compte de ce qu’ils apporteront à leur quotidien dans 5, 10 ou même 20 ans par exemple… Ils font des efforts et des sacrifices maintenant, car ils savent que ceux-ci se transformeront un jour en « acquis ».

À la ville, la plupart des jeunes rencontrés veulent « une job » cool, un salaire pas trop pire, et pouvoir se payer des trucs cette semaine ou la semaine prochaine. Ne leur parlez pas de travailler aujourd’hui pour quelque chose qui devrait leur rapporter dans ne serait-ce que 2 ans, c’est trop loin. On vit dans un monde d’instantané, ils veulent tout pour hier et tiennent peu compte des possibilités à long terme du travail sur lequel s’arrêtera leur choix. Je sais, il y a des exceptions, c’est vrai… Mais en milieu rural, il s’agit de la norme, et c’est le contraire qui semble être l’exception.

Quand on parle avec de jeunes agriculteurs en devenir, on a l’impression qu’ils ont un plan, qu’ils savent où ils s’en vont, et surtout, que leur motivation est toute autre que l’idée de se trouver « une job » pour pouvoir s’acheter le nouveau iPod, une télé au plasma, ou partir en appartement au plus vite… Un bon point pour eux, car l’un des inconvénients avec le principe du « pis on verra après… », c’est qu’il est difficile par la suite d’atteindre une qualité de vie intéressante et améliorer sa situation. On reçoit son chèque, on s’achète différents trucs, on se paye du bon temps entre amis et on croit qu’on est désormais en position de faire la belle vie… Je ne dis pas qu’on ne doit pas du tout en profiter, mais si ce n’est pas géré adéquatement, on se retrouve bien souvent dans une situation financière précaire qui devient « normale » et à laquelle on s’habitue.

Les bases sur lesquelles on peut bâtir quelque chose de solide et durable à partir de ces principes, je les cherche encore…

Cher amis agriculteurs, au fil des derniers mois, j’ai développé pour vous une grande admiration. La majorité d’entre vous avez une vision à long terme basée sur du concret et au lieu de vous créer des besoins, vous basez principalement vos décisions sur l’essence de la vie; ce qu’elle nous a déjà appris, ce qu’elle est devenue, et surtout, quels seront les défis de demain… Vous avez développé cette sorte de vision « 3D » il y a belle lurette, alors que le reste de la planète perd encore son temps à essayer de l’installer sur nos téléviseurs…

Tout ça pour nous garder bien assis sur notre divan à apprécier le fait que la technologie arrive maintenant à « presque » nous montrer des images aussi réelles que celles que l’on verrait en détournant les yeux de l’écran… (Mais je l’avoue, je trouve ça l’fun pareil de regarder un film en 3D… Je sais, j’suis pas parfait!)

Regarder Derrière, voir Devant pour mieux se préparer à Demain, les trois dimensions d’une vision qui permet bien souvent de faire des choix éclairés basés sur les bonnes choses… En agriculture, on semble l’avoir intégrée depuis longtemps.

 En milieu urbain, le rythme auquel les choses se passent au quotidien fait que notre attention est constamment détournée vers n’importe quoi... Nos yeux quittent donc souvent la route que nous devrions emprunter, on manque des pancartes, et on se trompe de chemin… Puis, dans bien des cas, on ne sait plus dans quelle direction on doit aller pour retrouver notre équilibre… S’il y a tellement de gens du milieu urbain qui ainsi « prennent le champ », c’est peut-être parce que justement, c’est à cet endroit que se trouvent bien des réponses… ;o)

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