Journée portes ouvertes à la Ferme Clair-Gré
Ce qui se cache derrière un investissement de 5 millions…

(Yves Allard)

J’étais passé dans le coin à quelques reprises et j’avais évidemment constaté l’ampleur des travaux en cours.  J’avais donc très hâte de me rendre à cette journée « portes ouvertes » afin de voir ce qu’aurait l’air le « produit fini » et ce à quoi ressemble cette histoire de carrousel pour les vaches. Me voici donc enfin à la ferme Clair-Gré, il y a du monde en masse, et je constate qu’encore une fois je n’ai pas mis les bons souliers pour une telle sortie (des « running shoes » blancs pour te promener sur une ferme après quelques jours de pluie, mettons que c’est pas l’idéal…). Qu’à cela ne tienne, je me suis trouvé un espace de stationnement parfait pour un gars qui n’a pas de pick-up et qui doit éviter autant que possible le brun mou...   

Facile de « spotter » les actionnaires de la ferme parmi la foule; ce sont ceux à qui tout le monde dit « félicitations! » en n’oubliant pas de mentionner plus d’une fois à quel point ils sont impressionnés par les nouvelles installations… Et effectivement, y’a de quoi être impressionné! Cinq millions, ça en fait du béton et de la technologie… C’est gros, c’est grand, c’est fascinant… Quel projet épatant… Les visiteurs n’en revenaient simplement pas! 

Toutefois, j’ai décidé de ne pas vraiment vous parler de l’aspect technique, de chiffres, ou de ce que vont permettre concrètement ces nouvelles installations imposantes. Pourquoi? Simplement parce que d’autres le feront très bien j’en suis certain et qu’au-delà de tout ça, il y a des gens, et leurs vies… À mes yeux, les raisons qui ont stimulées la réalisation de ce méga projet se situent davantage à ce niveau et c’est de ça dont j’ai envie de vous parler aujourd’hui. 

Malgré l’achalandage considérable, j’ai eu la chance d’obtenir un tête à tête de quelques minutes avec madame Maryse Bourgeois, l’une des cinq actionnaires de l’entreprise. C’est là que j’ai compris ce que représentait réellement cet investissement…  

Pour ceux qui ne le savent pas, le nom de la ferme nous vient des prénoms des parents de Mme Bourgeois, soit Marie-Claire et Grégoire. Ceux-ci ont acheté l’entreprise l’année de ma naissance… (Pour ceux qui ne savent pas en quelle année je suis né, sachez que c’est l’année de l’Expo de Montréal… Pour ceux qui ne savent pas en quelle année l’Expo de Montréal fut présenté, disons que c’était exactement 25 ans avant la naissance de mes filles en 1992… Et si vous n’avez pas encore trouvé la réponse et que vous n’aimez pas compter et bien… C’est plate hen? ;o) 

En 1976, deux des cinq frères de Maryse, Daniel et Normand (ce dernier décédé en 1981), se portèrent acquéreur d’un pourcentage des parts de l’entreprise. L’étape suivante fut le rachat de la ferme en 1987 par deux des couples de la famille, soit Daniel et son épouse (Lucie), ainsi que Maryse et son conjoint (Jos). S’en suivi un agrandissement en 1989 ainsi que l’achat d’un troupeau.


 

Aujourd’hui, en 2010, l’entreprise est devenue propriété de Daniel, Maryse et de trois petits nouveaux, une relève très heureuse de prendre part à ce nouvel accomplissement. Louis (19 ans), fils de Maryse, Bianca (25 ans), fille de Daniel, et leur cousin François Labossière (25 ans) sont donc devenus actionnaires de l’entreprise en juillet dernier… Oui, toute une étape!

On parle maintenant de cinq tempéraments différents avec lesquels ont doit « dealer » pour mener le bateau à bon port… Pas évident, non? Mais semble-t-il (selon Maryse) que les jeunes ont un bon caractère, tous ont la volonté de réussir et partagent un même but, soit celui d’assurer la survie à long terme de l’entreprise en faisant quelque chose qu’ils aiment et leur tient à cœur… Mettons que ça aide!

Je fus surpris d’apprendre que l’idée de réaliser ce projet avait commencée à « germer » il y a plus d’une dizaine d’années. Celui-ci, qui devait être amorcé il y a plus d’un an, fut mis de côté avec raison suite au décès du conjoint de Maryse Bourgeois en avril 2009.  « On aurait pu attendre encore 2, 3, ou même cinq ans avant d’aller de l’avant avec le projet… mais le timing était là et les jeunes nous poussaient… ils nous demandaient régulièrement « quand est-ce qu’on bâtit? »… Puis j’ai dit à Daniel, ok, on donne le coup! » me confia Mme Bourgeois.

Elle ajouta que « C’était pour nous un rêve et on n’avait pas le goût d’arrêter… On aime ce qu’on fait et on a décidé de le réaliser maintenant car on ne sait jamais ce qui nous attend… Le projet était dû depuis longtemps et j’veux travailler avec mes enfants, avec ma famille… Pour nous autres, c’est indescriptible ce qu’on ressent en ce moment ». 

Une partie de la recherche et des démarches qui ont menées à ce projet furent effectuées au fil des ans par le mari de Mme Bourgeois. Celui-ci, qui était représentant sur la route, était amené par son travail à visiter de nombreuses entreprises agricoles. Passionné d’agriculture, il était également très stimulé par  tout ce qui touchait l’innovation; « Souvent, il revenait à la maison et me disait qu’il avait vu quelque chose de super sur une ferme et qu’il fallait qu’il me montre ça… Alors quand le weekend arrivait, on partait et on allait voir ça! » me confia-t-elle avec un sourire en qui en dit long...  

Évidemment, investir de telles sommes et décider d’implanter la relève au sein de l’entreprise demande une grande part de confiance… Confiance envers ces jeunes, et confiance en la pertinence d’un tel projet à cette étape-ci. Il faut regarder à long termes et bien souvent, si on veut garder les jeunes intéressés et stimulés, il est important de penser à innover et aller vers les nouvelles technologies; « avec tout ça on va être capable d’être auto-suffisants et de travailler en famille… Et pour les jeunes, avoir tout ça à leur âge, c’est une bonne dose d’adrénaline… C’est quelque chose! » me lança-t-elle. 

Mme Bougeois tenait à souligner l’implication de ses parents et de ses frères et sœurs qui ont toujours contribués au succès de l’entreprise. Elle remercia également leurs parents et amis ainsi que certains individus qui en sont pratiquement venus à faire partis de la famille, soit les gens de chez Construction Auvent; « Ils nous ont beaucoup aidés et avec eux ça a été génial… c’est toute une équipe et c’est un peu comme si on avait vécu avec eux pendant sept mois (durée totale des travaux de construction)… alors on les connaissait tous par leurs noms… ».  


J’aurais bien voulu pouvoir également m’entretenir avec les autres actionnaires de la ferme, mais comprenez que les gens présents tenaient tous à leurs faire part de leurs commentaires et les féliciter. Il y avait beaucoup d’émotions dans plusieurs de ces échanges et j’ai préféré les laisser vivre ce moment plutôt que de jouer le journaliste qui s’impose pour aller chercher un peu plus d’informations.

Quoi qu’il en soit, racontée de cette façon, l’histoire derrière ce projet m’a une fois de plus démontrée que le béton, l’acier ou l’électronique… Ce n’est pas ce qui fait la plus grande force d’une entreprise. Les infrastructures que j’ai vues aujourd’hui m’ont réellement impressionné, c’est vrai (en plus, on a ça « dans notre cour »!)... Mais on dira ce qu’on voudra, même la meilleure des technologies ne saurait garantir à elle seule le succès à long terme d’une ferme quelle qu’elle soit… Vous aurez beau avoir la navette spatiale la plus avancée technologiquement, si c’est un clown que vous mettez à son bord, il y a peu de chance qu’elle fasse un aller-retour réussi… (wouin… Guy Laliberté viens de me scrapper mon exemple on dirait… en tout cas, vous comprenez ce que je veux dire!)

Oui, à mon humble avis, ce sont les gens qui assurent la pérennité d’une entreprise… Et de ce côté, la ferme Clair-Gré semble fort choyée…

Une réussite comme celle-ci n’a pas de prix… Pour tout le reste, il y avait l’argent… ;o)

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