jeudi 05 décembre 2013

Le nématode doré, ennemi juré des producteurs québécois
L'origine du nématode de la pomme de terre remise en question

Sherbrooke, le 4 décembre 2013 – Depuis 2006 au Québec, agriculteurs, agronomes, exportateurs, et tous ceux qui gravitent autour de la pomme de terre luttent avec acharnement contre le nématode doré, ce parasite de la pomme de terre d'un millimètre de longueur en forme de ver.

Jusqu’à présent, très peu d’études s’étaient intéressées à la génétique et à l’évolution des populations de nématodes dorés. Grâce aux outils conçus par Annie Christine Boucher, durant sa maîtrise en biologie avec le professeur Peter Moffett, il est maintenant clair qu’il y a eu au moins deux introductions du nématode doré d’origines différentes au Canada. Le fait de ne pas connaître la provenance du ver amenait des difficultés dans l’élaboration de solutions. Cette découverte engendre donc des conséquences bénéfiques pour la protection du tubercule le plus consommé dans le monde.

Une provenance surprenante

« Le nématode doré est depuis longtemps présent en Europe, au Japon, en Amérique du Sud ou encore plus près, dans l'État de New York, en Colombie-Britannique et à Terre-Neuve », souligne Peter Moffett, professeur au Département de biologie. Le Québec en était épargné jusqu'à ce qu'un cultivateur de Saint-Amable sonne l'alarme en 2006. Il y avait de quoi s'inquiéter, car le nématode peut persister en dormance dans les sols durant 25 ans et affecter de manière importante les rendements des récoltes de pommes de terre ainsi que d'autres cultures hôtes, comme la tomate et l'aubergine.

L’étude menée par l’UdeS, Agriculture et Agroalimentaire Canada et l’Institut national de la recherche agronomique en France a permis de confirmer que les nématodes retrouvés dans la région de Saint-Amable et Saint-Hyacinthe en 2006 étaient très apparentés. Par ailleurs, l’équipe de recherche s’attendait à ce que les populations québécoises partagent un lien étroit avec les populations présentes depuis des décennies dans l’État voisin de New York. Or, elles se sont révélées complètement différentes et plutôt apparentées aux populations européennes.

« Ce résultat surprenant signifie donc que ce pathogène a été introduit au moins deux fois en Amérique du Nord. Cette découverte a des implications importantes pour l’adaptation des avenues de lutte ici au Québec, explique Annie Christine Boucher, maintenant diplômée de la maîtrise en biologie. Plusieurs types de cultivars résistants peuvent être développés, mais le développement sera accru si l’on connaît l’origine du parasite. »

Le nématode doré

Le nématode doré (Globodera rostochiensis) est un ver microscopique qui s’attaque aux racines des plants de pommes de terre. Il provoque une piètre croissance accompagnée parfois du jaunissement, du flétrissement ou de la mort du feuillage. Le parasite cause ainsi de lourdes pertes de rendement, mais il n’y a aucun risque pour la consommation.

« Pour contenir ce ravageur, les producteurs touchés doivent depuis 2006 se conformer à un programme de quarantaine stricte mis en place par l’Agence canadienne d’inspection des aliments. Les procédures visent principalement à limiter la dispersion du parasite et à réduire les populations présentes », précise Benjamin Mimee, chercheur scientifique à Agriculture et Agroalimentaire Canada.

Non seulement ces mesures engendrent rapidement des coûts très élevés à la plus importante culture légumière du Canada, mais encore, les producteurs ont dû cesser de cultiver la pomme de terre durant plusieurs années, se tournant alors vers d’autres cultures comme le maïs. Maintenant, ils sont de nouveau autorisés à cultiver la pomme de terre, une année sur trois au maximum, et uniquement à partir de cultivars résistants au nématode doré.

« L’une des solutions que nous envisageons pour maîtriser le parasite est le développement, par croisement conventionnel, de cultivars résistants et adaptés au climat, à l'industrie et aux habitudes des consommateurs canadiens. Mais pour atteindre un résultat efficace, il paraît essentiel de déterminer la provenance du parasite retrouvé au Québec, ce qu’Annie Christine Boucher a réalisé », précise le professeur Moffett.

Sans doute, ces connaissances pourront maintenant être utilisées pour élaborer des stratégies de lutte plus adaptées. Elles aideront également à mieux comprendre les routes d’introduction de ces ravageurs et à prévenir de futures infestations. Qui plus est, le développement de cultivars résistants et adaptés au climat, à l'industrie et aux habitudes des consommateurs connaîtra une efficacité accrue.

Ces travaux ont été publiés en octobre dans la revue Molecular phylogenetics and Evolution.

Service des communications | Université de Sherbrooke

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