mercredi 20 novembre 2013
Nous sommes agriculteurs, et voici le Gala
Excellence Agricole
Par Paul Caplette
Avez-vous bien mangé aujourd’hui?
Y a une citation qui dit : «Si tu as bien
mangé aujourd’hui, prend le temps de remercier un agriculteur.»
J’avais vu cette enseigne à l’entrée d’une ferme qu’on allait
visiter.
Ça m’avait touché et lors de la visite, on pouvait sentir la fierté
de cet agriculteur quand il parlait de ses terres et de la façon
dont il les traitait. Sa ferme avait une histoire. Au fil des années
de travail, il en faisait de plus en plus partie. Sa ferme c’était
lui, sa femme, sa famille, son mode de vie.
Ici
dans la région, nous sommes un peu plus de 300 fermes spécialisées
dans différentes productions. Ça va des fines herbes aux grandes
cultures, de l’élevage des lapins aux producteurs de lait ou de
poulet. Minuscule, moyenne ou grande, une ferme représente toujours
une famille, un héritage souvent de plusieurs générations avant
nous. A chacun de nous, appartient notre histoire et notre vision de
notre profession. Au final, l’innovation, l’énergie, la résilience,
font de nous des familles agricoles qui durent.
En agriculture, pas de temps double ou de boni fin de semaine; pas
de 4 jours payés 5; pas de grève, pas de congé de maternité, pas de
registre des heures; pas de préretraite. S’il manque d’électricité
ou s’il y a un dégât d’eau, pas de surtemps… y a un agriculteur pas
loin. Pas droit aux blessures non plus; plusieurs légendes rurales
courent dont une sur un agriculteur que le docteur avait du plâtrer
jusqu’en dessous des épaules pour être sûr qu’il arrête de
travailler. Une autre sur l’agriculteur en béquilles qui, une fois
embarqué dans le tracteur, les a écrasées. «Eh docteur!... vous
n’avez pas quelque chose? Je suis un Farmer et c’est les semences…
je n’ai pas le temps de me faire opérer.» Sans parler de notre
dossier d’accidents pas très reluisant…on a tous en mémoire un
accident agricole.
Hommes et femmes aux milles métiers…on touche à tout.
C’est ce qui rend cette profession si excitante et gratifiante.
Je me souviens, plus jeune, quand j’ai décidé de continuer en
agriculture. J’entendais des commentaires qui trahissaient le peu
d’estime que ces gens avaient des agriculteurs.
«Pourquoi choisir ce métier?» en sous-entendant que ceux qui le
pratiquaient le faisait à défaut d’être capable de faire autre
chose.
Avec
les années, je suis devenu fier de ma profession. Je ne me gêne pas
pour le dire et pour expliquer comment ça marche une ferme en 2013.
On choisit d’être un agriculteur parce qu’on aime ca! On aime le
mode de vie et on est prêt aussi à pratiquer une profession aussi
exigeante. Formation, curiosité, observation, patience, sont des
bases minimales. On doit être un parfait hybride de compétences
humaines, ralliant plusieurs aptitudes physiques et académiques. On
ne peut pas gérer seulement en silo de département, en misant
toujours sur des performances à court terme.
Téléphone intelligent en main, on suit le comportement du dollar
canadien tout en faisant du dépistage aux champs. On gère et on
budgète le bon fonctionnement de la ferme tout en maintenant notre
ressource sol en bonne santé pour s’assurer de la pérennité de la
production. On ne peut puiser dans le sol, le laisser là et
recommencer ailleurs. Les terres qu’on cultive aujourd’hui le sont
depuis des centaines d’années.
On est fiers de semer même si les prévisions météo nous prédisent
une année de misère.
Chez
nous, c’est notre profession de semer. C’est notre gagne-pain alors,
tôt ou trop tard, on doit semer et tout mettre en place pour s’en
sortir le mieux possible. On est fiers d’avoir réussi à sortir une
bonne récolte en 2013, même si on a reçu un record de 725mm de
pluie.
On est fiers d’avoir bien nivelé, bien drainé, bien géré nos sols.
On est fiers d’avoir mis les bouchées doubles dans des fenêtres
d’interventions très courtes pour entretenir nos cultures. On est
fiers de savoir que notre parcelle de 1 ha de grains de semence sera
ressemée sur 27000ha. On est fiers du soya natto non OGM que nos
clients exportent au japon. Nous, c’est les champs, d’autres, c’est
la fierté de leur troupeau ou de leur élevage.
Tous des défis réalisés en cours de saison, qui souvent passent
inaperçus aux yeux des consommateurs. Plusieurs ignorent les
difficultés et les défis que les agriculteurs ont du surmonter en
cours de saison, pour réussir : mauvaise récolte ou pas, les allées
du super marché sont toujours comblées.
En fait, si vous avez bien mangé aujourd’hui, avez-vous pensé à un
agriculteur? A l’heure où on parle d’agriculture de proximité, ici
la région est des plus diversifiées…vous avez le choix.
Connaissez-vous au moins une famille agricole par gamme de produits
que vous
consommez? Asperges, céréales, porc, lait de brebis, bœuf, veaux de
grain, fines herbes, lait, fromage, cornichons,
champignons…pensez-y. En fait, dans chaque cuisine, il devrait y
avoir un calendrier illustrant les familles, les saisons agricoles
et les produits de la région pour mieux se souvenir que, derrière le
copieux repas, différentes familles passionnées y ont travaillé.
Dans moins de deux semaines, c’est le Gala Excellence Agricole.
Ce sera notre fête à nous les agriculteurs. On y soulignera le
dépassement et la réussite de plusieurs agriculteurs de la région.
De l’émotion garantie quand un agriculteur voit sa ferme et son
cheminement sur écran géant. On aura la chance de saluer et
encourager des jeunes de la relève. Chacun d’entre nous y est passé
et on sait les efforts et la détermination dont ils devront faire
preuve, s’ils veulent durer. Saluons ceux qui nous ont tracé le
chemin, ceux qui le trace aujourd’hui et ceux qui veulent bien le
prendre, ce chemin de l’agriculture.
Nous sommes agriculteurs! L’agriculture c’est nous!
Bon gala à tous! |