lundi 20 janvier 2014
Pause bien méritée, Bonne année!
Par Paul Caplette
Enfin arrivé à la période des fêtes! J’ai
l’impression d’avoir travaillé en double pour éliminer le plus de
travaux possibles dans l’espoir de profiter d’une période un peu
plus relaxe …enfin. On dirait que je me sens moins coupable
d’arrêter complètement mes travaux et de prendre du temps en
famille.
On essaie le plus possible d’arrêter. Au début, c’était pour donner
du temps aux enfants et faire des activités ……..maintenant qu’ils
sont plus grands, on fait la même chose tout en prenant plus de
temps pour nous.
On ne sort pas complètement l’agriculture de nos vies pour autant
car il y a souvent quelques petites tâches à faire. On choisit
d’accommoder certains clients à notre rythme. Une livraison et
recharger le silo de réserve en profitant de la période ensoleillée
pour jouer avec toutou. Pas d’employés, pas d’associés, juste moi
selon mon humeur, selon mon horaire.
Moi avec moi-même. Les courbatures apparaissent avec les bonnes
heures de sommeil. Petite pause dodo qui s’étire après dîner en
prenant bien soin d’avoir du soleil qui me tape sur la tête. Je le
sens, ça fait du bien, c’est énergisant. J’suis comme une marmotte
juchée sur son buton de terre pour se faire bronzer.
Je lis beaucoup, sur tout, mais immanquablement je fais des liens
avec ma profession. Je réfléchis à ma dernière saison - points
positifs et négatifs. Je visualise la prochaine saison et là mes
idées s’emballent. Même en arrêt, je sens l’excitation des nouveaux
projets à réaliser en 2014. Souvent on réalise qu’on veut trop en
faire en même temps. Faut choisir ceux qui nous emballent le plus,
ceux qui complètent nos objectifs.
Je
me rappelle encore l’hiver 1994. On avait une entreprise qui roulait
sur l’adrénaline de l’énergie de démarrage. Tout les moyens étaient
bons pour entrer des revenus et pour prendre de l’air. Après 12 ans,
on avait mis suffisamment d’énergie et on commençait à sentir qu’il
fallait faire des changements. C’était nous qui commencions à en
manquer …de l’air. On ne pourrait tenir ce rythme tout le temps.
Trop de cultures, trop de productions en même temps. Avoir
l’impression de toujours être en mode réaction, c’est épuisant.
Avec l’arrivée des enfants, fallait s’organiser autrement. Une
naissance en septembre, on est aux champs, naissance en mai, ben
j’suis dans le jus… c’est les semences, naissance en
janvier…….écoute chérie faut que j’y aille, j’suis sur le
déneigement, août, désolé on est en rush récolte cornichons.
Même si l’entreprise n’était pas encore au maximum de sa
rentabilité, on devait corriger le cap. C’était facile de dire qu’on
n’avait pas le choix. Qu’étant donné le contexte des prix à
l’époque, on ne pouvait se permettre de lever le nez sur les revenus
d’appoint. Peut-on rêver notre ferme comme on la rêvait au début? En
fait c’était quoi notre rêve au début? Avec le temps, les
obligations, la multiplication des projets, on s’en était éloigné.
C’est alors en cette pause hivernale de 1994-95, entre 2 tempêtes de
neige, qu’on a mis sur papier nos premiers objectifs d’entreprise et
surtout nos objectifs de ce qu’on voulait comme vie d’agriculteur.
Pas évident pour une fois de viser ce qu’on veut réellement au lieu
de se plaindre de ce qu’on n’a pas. Pas évident de mettre sur papier
ce qu’il faut faire pour changer les choses au lieu de manifester
notre frustration face au gouvernement, notre syndicat, le contexte
économique.
Encore plus difficile de prendre enfin les moyens pour y arriver. On
devait rationaliser nos opérations et augmenter notre niveau de
compétence dans ce qui nous faisait carburer. Quand on aime quelque
chose, les heures supplémentaires et la motivation de réussir sont
plus faciles à faire.
Soyons professionnels dans ce qu’on fait le mieux. On s’était alors
fixé des objectifs à court et long terme, en se disant «on essaie et
on ajustera par la suite.»
Pas évident de se tracer une voix à nous, hors des modèles.
Quelquefois, on a mis en doute nos choix. On ajustait au besoin et
on continuait notre progression. Les premières cibles atteintes, on
s’en donnait d’autres pour toujours viser la destination finale de
ceux à plus long terme.
Au fil des années, on a eu de belles et moins belles réussites mais
au moins on avait un cap à tenir, une direction vers celui-ci.
Malgré les tempêtes, on a mis les efforts pour aller vers notre
destination. Ce fut probablement une des meilleures démarches
personnelles et professionnelles qui nous ont guidés jusqu'à
aujourd’hui.
Cette année, en cette période de pause, notre seul emploi du temps :
trouver les cadeaux pour Noël, faire des sorties, apprécier les
repas en famille et bien entendu faire des sorties en plein air.
Raquettes aux pieds avec ma conjointe et notre partenaire
d’entraînement Maki, je tape un chemin ayant pour seul objectif :
l’atteinte de notre petit boisé. Tous les jours on répète le trajet
en profitant du soleil et malgré le vent froid; on y va quitte à se
geler le nez. Simplement marcher en entendant le ‘’froush’’ du
foulement de la neige sous nos raquettes. On est bien au chaud
tellement on travaille. On sent l’air frais qui entre dans nos
poumons avec comme seul bruit de fond le vent qui frôle nos
manteaux. Nos joues sont rouges et picotent. Ah ! le plaisir du
grand air. Maki nous suit et saute partout.
Une pause avec moi et moi-même pendant laquelle je savoure les bons
moments en me contentant de pas grand-chose. En plein milieu du
champ, j’écrase dans la neige et j’observe l’accumulation de neige,
les oiseaux. C’est tout blanc en surface pendant qu’en-dessous, mon
blé attend déjà les premiers signes du printemps.
Je sens la fierté en moi d’avoir mis l’énergie nécessaire pour
atteindre nos objectifs de vie d’agriculteur et je suis motivé à
continuer de les poursuivre jusqu’au bout. Je réalise que je suis
privilégié d’être agriculteur, de vivre au grand air et de faire un
métier tellement passionnant que je n’ose imaginer ma retraite.
Alors avec un peu de retard, je ne souhaite pas bonne année à mes
confrères agriculteurs. Je vous souhaite plutôt, si ce n’est pas
déjà fait, l’énergie et la volonté de mettre vos objectifs sur
papier et de vous construire une bonne année 2014. Une année qui
vous ressemble, à votre goût, selon vos objectifs à vous, votre
vécu, vos observations et vos connaissances. Loin des standards
prédéfinis des statistiques de fonctionnaire. C’est ça une ferme
familiale! Vous aurez assurément une excellente année 2014.
Souhaits sincères! |