samedi 10 mai 2014

Mise en place d’essais des systèmes de couvertures végétales
Un outil qui permet de se propulser plus loin

Par
Annie Bourque


Une photo inusitée prise le 1er septembre dernier à Contrecoeur. On y voit le semis direct en simultané avec un semoir et une batteuse. Crédit : Pierre-Olivier Gaucher.

Le président-fondateur de Technologies Terralis, Pierre-Olivier Gaucher a eu l’idée de créer un consortium de producteurs en 2007 alors qu’il se trouvait au Marché Central à Montréal en compagnie d’Alain Beaudin, commissaire agricole à la Société d’Agriculture de Richelieu.
«Si on pouvait créer un véhicule tel un réseau de producteurs qui pourrait explorer différentes avenues afin de réduire la pression et la mécanisation des sols», lui explique-t-il. Devant la justesse de ses arguments, Alain Beaudin avoue aujourd’hui être resté «bouche bée.»

Pendant une semaine en 2008, ils partent avec leur sac à dos visiter des agriculteurs en Europe qui ont tous adopté des pratiques innovantes dont l’essai des semis direct sous couverture végétale permanente.

À son retour, Pierre-Olivier Gaucher n’a jamais tenté d’imposer son modèle. «Il a proposé un outil qu’il a mis à la disposition des producteurs», précise Alain Beaudin.

Aujourd’hui, ils sont 25 agriculteurs provenant de différents horizons (grande culture, domaine maraîcher, laitier, avicole, porcin, horticulture) qui font partie de l’association.
«L’idée, c’était de créer un regroupement qui partage leur savoir-faire dans le but de réaliser un projet commun, soit d’explorer l’application des couvertures végétales sous nos conditions géo-climatiques», explique Pierre-Olivier Gaucher, fondateur du Consortium agricole d’élite (CAE).

Mesure, Intelligence et Partage

Trois valeurs guident les membres: la Mesure, l’Intelligence et le Partage. La mesure évalue le système de culture mais surtout elle permet d’anticiper les impacts d’une décision d’entreprise. «La mesure s’applique dans l’action, le comportement et le jugement face à ces situations», précise M. Gaucher.

 

On peut voir ici l’émergence du semi direct.
Crédit : Pierre-Olivier Gaucher.

L’intelligence se traduit par les capacités déployées par l’entrepreneur dans les diverses sphères de son entreprise. Le dirigeant a un grand souci de comprendre, de réfléchir, de connaître et adapte facilement son comportement.

Le partage, c’est mettre un élément à la disposition de plusieurs individus à l’intérieur du consortium pour permettre d’influer sur la qualité et la rapidité d’application des idées. «Il s’agit donc d’optimiser le résultat par la communication en ayant pour finalité la richesse de la démarche et du résultat obtenu», indique M. Gaucher.

Ce fils et petit-fils d’agriculteur veut créer un cadre dans l’optique de cette nouvelle agriculture dite écologiquement intensive (A.E.I).

Le but est de maximiser le temps de photosynthèse par la couverture. «Cela signifie que les plantes vont produire une grande diversité et quantité de carbone; le véritable levier à la biodiversité fonctionnelle du sol.»

Avec ce système, on diminue la charge de travail au champ. «Les SCV abaisse du 2/3 les travaux mécanisés du sol.»

Aujourd’hui, les entrepreneurs agricoles du C.A.E. implantent des mélanges d’espèces végétales issues de plusieurs familles de plantes. «C’est la biodiversité racinaire qui donne de la porosité au sol tout en nourrissant la faune et la flore de ce dernier. On parle alors de grande fonctionnalité biologique, physique et chimique.»

«Finalement, ajoute M. Gaucher, nous réduisons notre dépendance aux énergies fossiles.»
Multiplication des espèces

En 2012, ces entrepreneurs ont expérimenté des essais sur une plate-forme végétale qui comptait 55 espèces. En 2013, ce nombre était de 106 et en 2014, de 95.

«On implante des espèces qui ne sont pas nécessairement cultivées au Québec afin de casser le cycle de nos cultures maîtresses comme le maïs et le soya », explique Pierre-Olivier Gaucher.

L’intégration de nouvelles espèces est devenue une priorité pour le consortium. «Elles assurent la fonctionnalité de l’écosystème cultivé. Cette biodiversité fonctionnelle du sol, permet sur des parcelles aujourd’hui âgées de 7 ans, une meilleure latitude en matière de gestion des intrants.»
 

La pièce manquante

De nombreux agriculteurs se souviennent des expériences de semi-direct qui ont été mal gérés dans le passé.

«On avait oublié d’entretenir la vie du sol » avance comme hypothèse Luc Provost, propriétaire d’une ferme laitière à Saint-Antoine-sur-Richelieu.

De son côté, Pierre-Olivier Gaucher exprime un point de vue similaire. «Le morceau de casse-tête manquant pour le succès du semi-direct c’est l’implantation d’une biodiversité de racines. Ces dernières, par le carbone et leurs actions physico-chimiques, sont le levier de la vie dans le sol», ajoute M. Gaucher.

En 2012, on dénombrait seulement cinq espèces dans le mélange de système de couverture végétale. Aujourd’hui, on compte 12 espèces qui enrichissent de façon unique de la biodiversité dans les champs.

«Les plantes poussent véritablement comme des enragées à l’automne», illustre Pierre-Olivier.

Dans les mélanges nouvellement créées, il y a des plantes qui résistent à des gelées nocturnes de -9 degrés C.

Lors de notre entretien à la mi-avril, Pierre-Olivier Gaucher parlait avec fierté du seigle et du trèfle qui poussaient dans ses champs. «Il produisent de la photosynthèse comme si nous étions le 5 mai.»

 

Éliminer l’utilisation des engrais d’ici 5 ans

Le producteur Luc Provost possède une ferme de 70 têtes dont 40 vaches laitières à Saint-Antoine-sur-Richelieu.
L’homme de 52 ans croit aux vertus de ce système d’avant-garde.

La preuve? Il n’a plus besoin de certains équipements agricoles. «J’ai vendu ma charrue il y a trois ans et la semaine dernière, mon vibroculteur», mentionne-t-il.

«J’ai besoin de machines plus petites. C’est la logique des choses : il faut ajuster les violons avec les flûtes.»

Au moment de notre entretien, M. Provost était sur le point de vendre son tracteur de 200 forces. « Si je dois me servir d’un tracteur de cette catégorie, c’est peut-être pour une vingtaine d’heures par année.»

S’il doit s’en servir, il préfère le louer à son voisin qui vient de joindre le Consortium agricole d’élite. «Je l’ai contaminé en quelque sorte», dit-il en riant.

M. Provost avoue qu’il passe encore pour un extra-terrestre. «Je ne reviendrais jamais en arrière. Je travaille la moitié moins que mon voisin et j’ai environ les mêmes rendements.»

Dorénavant, il cultive le maïs ensilage pour les vaches laitières. «Je ne cultive plus le maïs grain, mais plutôt les céréales, le soya et, les engrais verts!»

Il fait pousser du seigle sur environ 400 arpents. «Ça pousse au printemps. Mon terrain ressemble à un véritable terrain de golf !», s’exclame-t-il.

La qualité de vie s’est grandement améliorée pour cet agriculteur qui fait «tout à 95 % sur la ferme. » Son fils qui travaille à l’extérieur vient lui donner aussi un coup de main.

À l’automne, il ne fait plus de labour et au printemps, il a cessé de faire la préparation du sol. «D’année en année, dit-il, la portée du sol est de mieux en mieux. Si je frappe une année avec un excès de pluie, je suis mieux préparé que mes voisins.»

M. Provost estime que les systèmes de couvertures végétales solidifient et structurent le sol. «J’utilisais qu’une seule plante cinq ans avant de faire partie du Consortium Agricole d’Élite. Huit ans plus tard, nos mélanges sont composés de 12 espèces différentes.»

L’avenir, selon lui, passe par l’adoption de nouvelles pratiques en agriculture. «Dans 10 ans, on n’aura plus le choix. Moi, je le fais dans le but de laisser un héritage à ma famille et au monde agricole.»

Qu’est-ce qui l’a motivé au juste?, lui demande-t-on. «Dans la vie, il y a 10 % des gens qui sont en avant de la parade et 90 % d’entre eux qui les regardent. J’ai choisi d’être parmi les 10%.»


Qu’est-ce que le SCV ?
L’abréviation mondiale signifie : Semis sous Couverture Végétale permanente. Le but : Améliorer et protéger la vie des sols contre les effets de la pluie ou des rayons de soleils.

Ses bienfaits : Grâce à captation du carbone, cela permet de réduire l’émission d’effets de serre.
Le SVC favorise la formation d’humus et la croissance optimale des racines des plantes et des organismes vivant dans le sol.

Source : FAO

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