09 juin 2017
Lettre ouverte : Maintenir la gestion de
l’offre agricole pour garantir notre souveraineté alimentaire et
protéger notre santé
- Brigitte Sansoucy, Députée fédérale, Saint-Hyacinthe—Bagot
La lecture du rapport du vérificateur général du Canada, M.
Michael Ferguson m’a fait bondir. Je sais que les Libéraux ont
abandonné les producteurs laitiers dans le dossier du lait
diafiltré, même chose pour les producteurs de poulet avec la
volaille de réforme. Mais j’étais loin de me douter qu’ils
contrôlaient aussi mal les importations des produits sous la
gestion de l’offre.
En effet, le vérificateur général nous apprend dans son rapport
que le gouvernement Trudeau a laissé entrer 131 millions de
dollars de marchandises sous gestion de l'offre, dont 32
millions en produits laitiers. Ces importations, majoritairement
en provenance des États-Unis, ont nécessairement engendré des
pertes importantes pour l'industrie canadienne. Lorsque l’on
est, comme moi, députée fédérale d’une Technopole
agroalimentaire, ce constat est franchement préoccupant… Surtout
si le montant avancé représente 168 millions de dollars!
« Maintenant que le vérificateur général rend
public ce constat, est-ce que le gouvernement va
enfin écouter la demande de nos producteurs et
s’assurer qu'ils ne perdent plus d'argent en raison
de bêtes lacunes gouvernementales? » |
Car oui, 168 millions de dollars sont manquants, puisqu’ils
n'ont pas été perçus en droit de douane par l'Agence de service
frontalier pour des produits agricoles à caractère contingenté.
À ce titre, le vérificateur expose le fait suivant :
«…l’intégrité du système de contingents tarifaires dépend de la
capacité du gouvernement à veiller à ce que tous les
importateurs respectent toutes les règles et réglementations
applicables». Le contrôle des importations est une obligation
gouvernementale qui assure le bon fonctionnement du système de
gestion de l’offre agricole. Le lait diafiltré et ce rapport
nous démontrent que les libéraux ne prennent pas ce rôle au
sérieux.
Dans ce même rapport, le vérificateur général conclut que
l'Agence des services frontaliers a peu de contrôle en place
pour s'assurer que les marchandises importées via le programme
d'exonération des droits sont déclarées si elles ne sont pas
exportées par la suite. «… Si des importateurs écoulent sur le
marché canadien des marchandises qui sont destinées à
l'exportation et pour lesquelles aucun droit de douane n'est
perçu, cela crée une situation de concurrence déloyale pour les
producteurs canadiens, » invoque le vérificateur.
« Nous sommes en droit de nous questionner : ces
produits auraient-ils été achetés au Canada si les
frais de douane prescrits avaient été dûment
appliqués? » |
Nos producteurs sous gestion de l'offre l’expriment depuis
longtemps, et les députés un tant soit peu à l’écoute, le savent
pertinemment : ce programme ne devrait pas inclure les produits
agricoles. Les importations sans frais de douanes faites par
l’entremise de ce programme créent une concurrence déloyale pour
nos producteurs et génèrent des pertes pour l'industrie.
Au-delà des pertes financières, mon inquiétude se pose également
sur l’absence de contrôle de la qualité des produits
alimentaires qui entrent chez nous. Au Canada, nous exigeons de
nos producteurs agricoles d’atteindre les plus hauts standards
de qualité que commande l’industrie. Ici, la santé des
consommateurs est au coeur de nos préoccupations. Peut-on en
dire autant de nos voisins du Sud? Sans l’uniformisation
universelle des pratiques agricoles, pouvons-nous affirmer hors
de tout doute que les aliments qui se retrouvent dans notre
assiette ne nuisent pas à notre santé?
Maintenir la gestion de l’offre agricole pour
garantir notre souveraineté alimentaire et protéger
notre santé |
En toute intégrité, j’exige du ministre de l'Agriculture de la
transparence : va-t-il oui ou non régler une fois pour toutes
cette situation très problématique pour nos producteurs?
Récemment,
le débat agricole s’est vraisemblablement invité dans la course
à la chefferie du parti Conservateur. En bloquant le
couronnement de Maxime Bernier, seul candidat ouvertement en
faveur de l’abolition du système de gestion de l’offre, les
membres ont envoyé un message clair : les parlementaires ont le
devoir de défendre notre système de gestion de l’offre!
Malheureusement, force est d’admettre que le parti Conservateur
n’est pas le meilleur élève lorsqu’il est question de protéger
notre agriculture. Avons-nous besoin de rappeler qu’il y a moins
de 2 ans, le gouvernement Conservateur était prêt à sacrifier la
gestion de l’offre au profit d’obscurs avantages économiques
négociés à huis clos, dans le cadre du Partenariat Trans-Pacifique
?
Aujourd’hui, le secteur agricole doit solidifier ses appuis et
reconnaitre le fait suivant : seuls les députés néodémocrates
adoptent inlassablement une position claire et ferme en
défendant farouchement à la Chambre des communes le maintien de
la gestion l’offre en agriculture. Nous l’avons démontré avec la
motion pour les compensations en lien avec l’AECG, notre
position en campagne concernant les brèches du PTP ainsi que
notre motion d’opposition sur le lait diafiltré.
Je termine par une mise en garde, attention aux belles paroles,
alors que les libéraux continuent de répéter leur engagement à
protéger le système de gestion de l’offre, leurs actions mettent
en évidence tout le contraire. Premièrement, ils ont voté contre
notre motion sur le lait diafiltré et n’ont toujours rien fait à
ce sujet. Deuxièment, le plan de transition prévu pour «
compenser » les producteurs et les fromagers suite à l’AECG est
hautement insuffisant et inadéquat. Troisièmement, le rapport du
vérificateur général vient démontrer leurs difficultés à jouer
leur rôle de contrôleur des importations. Les Conservateurs
deviennent, pour leur part, bien silencieux quand vient le temps
de positionner dans leurs priorités la protection du système de
gestion de l’offre pour les oeufs, la volaille et le lait…
Quand le gouvernement, appuyé par l’opposition officielle,
prendra-t-il enfin les moyens pour protéger un système qui
fonctionne et qui nous fournit en quantité suffisante, à un prix
raisonnable, des produits de qualité d’ici que nous consommons
tous les jours? La campagne communicationnelle «Forts et unis»
déployée par l’UPA m’a permis de réaliser à quel point le lien
entre notre réfrigérateur et notre agriculture est important.
Produits laitiers, oeufs, volaille, la gestion de l’offre est
essentielle puisqu’elle assure notre souveraineté alimentaire et
le contrôle de la qualité de la nourriture que nous mangeons,
deux enjeux prioritaires qui nous concernent tous!
Brigitte Sansoucy
Députée fédérale
Saint-Hyacinthe—Bagot |