Dans la mire des Américains, les producteurs laitiers demandent un soutien indéfectible

D’après le reportage d’Elizabeth Whitten, de CBC

(Photo : La Presse canadienne / Christinne Muschi)

L’industrie a bon espoir que le Canada protégera le système de gestion de l’offre en vigueur depuis 50 ans.

L’industrie laitière canadienne insiste pour que le système de gestion de l’offre soit maintenu, ce qu’elle juge essentiel pour la survie des exploitations agricoles et pour la sécurité alimentaire du pays. Le mécanisme en vigueur depuis plus d’un demi-siècle ne plaît pas aux Américains.

Grâce à la gestion de l’offre, il n’y a pas de surproduction de lait ni d’offre excédentaire, ce qui stabilise les prix des produits laitiers, affirme en entrevue Tom Osborne, le directeur général de l’association Dairy Farmers of Newfoundland and Labrador et l’ancien ministre des Finances de Terre-Neuve-et-Labrador.

Il est vital que cela continue, soutient-il, pour notamment éviter que le Canada ne soit économiquement vulnérable et trop dépendant des importations.

Maintenant directeur général d'une association de producteurs laitiers, Tom Osborne a été ministre des Finances de 2017 à 2020 et ministre de la Santé de 2022 à 2024 à Terre-Neuve-et-Labrador.

C’est un système qui fonctionne pour tout le monde au Canada, que vous soyez un consommateur, un fermier ou un transformateur, a déclaré Tom Osborne. Il protège notre industrie. Il protège la sécurité alimentaire pour les Canadiens. Il protège nos fermiers. C’est un bon système.

Les solutions du Canada face aux tarifs douaniers

Injuste pour les Américains? Faux, dit Tom Osborne

Les États-Unis ont souvent manifesté leur déplaisir à l'égard de la manière dont le Canada gère son industrie laitière.

La plus récente personne à s’élever contre la gestion de l’offre est Howard Lutnick, la personne qu'a choisie Donald Trump pour le poste de secrétaire au Commerce, dont la nomination doit être confirmée par le Sénat américain.

À son audition de confirmation à la fin de janvier, Howard Lutnick a dit qu’il voulait que davantage de lait produit aux États-Unis soit exporté au Canada.

Le Canada, a-t-il dit, traite horriblement nos producteurs laitiers, a dit l’Américain. Ça doit cesser.

Tom Osborne soutient que l’opinion exprimée par Howard Lutnick n’est pas fondée sur des faits.

Pour les produits laitiers, le déséquilibre commercial favorise les États-Unis. Plus de 50 % des importations de produits laitiers au Canada proviennent des États-Unis. Ils sont très bien traités par le Canada, affirme-t-il.

Un principe fondamental

Jodey Nurse, chargée de cours à l’Institut pour l’étude du Canada à l’Université McGill, rappelle que le système de gestion de l’offre a été instauré durant une période d’instabilité des marchés.

Au tournant des années 1960 et 1970, le prix des produits laitiers dégringolait, tandis que les coûts de production étaient à la hausse. La production laitière n’était pas rentable pour les fermiers.

Enchâssé dans Loi sur les offices des produits agricoles qu’a fait adopter en 1972 par le gouvernement libéral de Pierre Trudeau, le mécanisme de gestion de l’offre a un principe fondamental, explique Jodey Nurse : la discipline de production, qui maintient la stabilité grâce à des quotas de production, au contrôle des importations et à des prix équitables.

En s’assurant que les fermiers perçoivent un prix qui tient compte de leurs coûts de production et leur procure un rendement raisonnable, les fermiers reçoivent un revenu équitable, qu’ils peuvent réinvestir dans leurs fermes et leurs communautés, dit-elle.

Aux États-Unis, les fermiers produisent souvent un excédent de lait qui doit être jeté, puisqu’il ne trouve pas d’acheteur et qu’il ne peut pas être conservé en entreposage.

Différents pays ont différentes mesures pour protéger leur industrie laitière. Les États-Unis privilégient des subventions aux fermiers. Nous n’avons pas ce genre de subventions directes au Canada, parce que nous pouvons payer les fermiers équitablement, à travers le système de gestion de l’offre, affirme Jodey Nurse.

Je trouve important que nous ayons des systèmes d’approvisionnement alimentaire locaux qui soient très robustes. Ça peut se faire de différentes façons, mais la gestion de l’offre a très bien fonctionné pour les industries qu’elles aident, soutient-elle.

Levée de boucliers face aux tarifs

Représentant l’industrie laitière de Terre-Neuve-et-Labrador, Tom Osborne était à Ottawa mardi dernier pour la conférence annuelle de Producteurs Laitiers du Canada.

Ce jour-là, les tarifs douaniers de 25 % sur les produits canadiens que le président américain Donald Trump avait promis devaient entrer en vigueur.

Les tarifs étaient au cœur des conversations, même si le report de 30 jours annoncé la veille après des entretiens entre le premier ministre, Justin Trudeau, et le président Trump avait allégé l’atmosphère, selon Tom Osborne.

Retraité de la politique depuis l’été dernier après 16 ans comme député progressiste-conservateur et 11 comme député libéral, il milite pour que le gouvernement fédéral préserve le système de gestion de l’offre.

Il dit être optimiste. J’ai bon espoir que nos leaders politiques vont protéger nos intérêts, et pas seulement l’industrie laitière, mais toutes les autres industries à travers le Canada, avance Tom Osborne.

Dans une entrevue à l’émission de CTV Power Play with Vassy Kapelos, le 5 février, la ministre fédérale de la Promotion des exportations, du Commerce international et du Développement économique, Mary Ng, a déclaré que le soutien du Canada à la gestion de l’offre dans l’industrie laitière était indéfectible.

Dans l’opposition, le Parti conservateur du Canada dirigé par Pierre Poilievre appuie lui aussi la gestion de l’offre et son objectif d’offrir aux consommateurs un produit de grande qualité à un bon prix et avec un rendement raisonnable pour le producteur.

En réponse à une demande d’entrevue, un porte-parole de la ministre Ng, Huzaif Qaisar, a déclaré qu’aucune révision de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) n’était planifiée avant 2026, mais que les Canadiens et les Américains venaient quand même de lancer un processus de consultations.

Précédent
Précédent

Favoriser l'engagement pour une agriculture durable - Plus de 35 M$ pour soutenir les producteurs et les productrices agricoles

Suivant
Suivant

Grand froid : la prime de non-délestage pourrait passer à 1 $/kWh